L’autonomie organisationnelle : les gestionnaires sont-ils prêts à la mobiliser?

 Dans Nouvelles

David Castrillon – MSc en Gestion

Directeur général – Projet Collectif en Inclusion à Montréal (PCEIM)

Président – Réseau alternatif et communautaire des organismes (RACOR) en santé mentale de l’île de Montréal

Révise par Justine Israël


L’autonomie: une compétence organisationnelle   

Un gestionnaire se servant d’un cadre complexe de référence intègre le concept d’autonomie comme outil d’analyse et d’action. La représentation de l’organisation comme une réalité autonome facilite la mobilisation des ressources permettant de solutionner des problèmes de manière efficace et d’améliorer les processus, en plus d’aider ses membres à s’adapter activement au contexte.   

L’autonomie est la capacité des sujets de l’organisation, et de l’organisation dans son ensemble, à choisir leur devenir, se libérant partiellement de la détermination des éléments externes. Dans la perspective complexe, le gestionnaire comprend que cette capacité organisationnelle, ainsi qu’individuelle, n’est pas une création volontaire : elle est une condition d’existence de toute organisation sociale.

Cependant, il est possible que le gestionnaire agisse selon l’idée que tout peut être contrôlé ou que l’organisation est en dépendance simple avec le milieu, c’est-à-dire qu’il croit que les réponses d’une organisation à toute demande extérieure sont un automatisme. Cette logique, appartenant au paradigme simpliste, est souvent extrapolée aux actions des personnes faisant partie des organisations. Il n’est pas rare de voir cette logique appliquée à l’extrême et ainsi d’observer, au sein des organisations, des techniques de gestion ayant pour but la programmation de l’esprit des individus. Au contraire, pour le paradigme de la complexité, ces techniques ne s’ajustent pas à la réalité organisationnelle et humaine. En plus de nier la nature organisationnelle et humaine, elle ajoute plutôt des coûts aux opérations.

Autonomie et gestion complexe

Dans le paradigme de la complexité, l’autonomie implique de comprendre que l’autodétermination est relative et qu’elle est possible grâce à la grande interdépendance entre les éléments composant un système. Il s’agit d’un beau paradoxe : les systèmes les plus autonomes sont aussi les plus interdépendants. Un exemple est l’être humain : selon le paradigme complexe, l’émergence de l’autonomie humaine est due à l’intériorisation des autres. Ainsi, le processus d’humanisation est un processus d’extrême dépendance mutuelle où l’être humain surgit grâce à un processus d’évolution capable de mettre les autres dans son intérieur pour pouvoir être lui-même. Voici le paradoxe qui n’est pas observé dans le paradigme de la simplicité : être original implique une extrême interdépendance, se manifestant dans l’intériorisation de plusieurs sujets qui interagissent toujours dans notre tête et donnent lieu à un être unique.

Pour le gestionnaire complexe, les organisations intègrent bien sûr leur contexte, mais elles sont aussi capables de le transformer. Ce sont les relations entre êtres humains qui permettent l’intériorisation de ce contexte. Le gestionnaire, dans cette approche, peut et doit faire la distinction entre les différents degrés d’autonomie dans les relations humaines pour comprendre de quelle façon les organisations s’ajustent au contexte extérieur. Cette identification se fait, par exemple, en analysant les politiques favorisant la concurrence ou la solidarité, la méfiance ou la confiance. Même dans le cas d’une limitation extrême de l’autonomie, le paradigme complexe nous amène à être conscients de l’autonomie toujours présente au niveau des relations dans les organisations.

De cette façon, appréhender l’autonomie implique de reconnaître et de respecter les espaces non régulés d’action des personnes. Ces espaces échappent aux procédures formelles, et en même temps, interagissent avec elles. On assiste donc à l’émergence de manières particulières de faire de l’organisation. Ces façons de faire qui se répètent tous les jours et tout au long de l’histoire de l’organisation, sont observées dans le paradigme complexe comme une condition de sa survie.

La pratique de la confiance  

Un indicateur de l’autonomie organisationnelle est le niveau de confiance. Pour évaluer le niveau de confiance dans une organisation, il est nécessaire d’observer les contrôles. Plus de contrôle signifie moins de confiance et d’autonomie, et plus de coûts!

Par exemple, la spécification de rôles (contrôle), nécessaire pour l’action organisée, interagit avec l’autonomie des personnes. Une extrême spécification va diminuer l’autonomie. Ainsi, suivre les procédures au pied de la lettre dans un contexte de contrôle extrême, tel qu’elles ont été conçues, mène à l’inefficacité de l’organisation, et, à la limite,  cette stratégie est une voie vers sa disparition. Le contraire est aussi vrai : l’acteur qui ne suit aucune spécification de son rôle est un acteur isolé qui ne permet pas l’émergence de l’action organisée.

Il est aussi courant d’observer comment des organisations qui sont en forte interdépendance avec leur contexte social (par exemple les organismes communautaires) expriment leur autonomie lorsqu’elles sont capables de s’adapter à l’interne à des changements survenus tout en respectant leur nature sociale (par exemple une diminution de subvention). Elles ne répondent pas comme le ferait une machine: elles vont répondre aux changements à partir de leur autonomie et vont s’adapter selon leur propre réalité. L’autonomie, ce phénomène profondément solidaire, est la source de l’innovation organisationnelle et sociale.


Le Projet collectif en inclusion (PCEIM) est un organisme soutenu par Centraide du Grand Montréal


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