Pour prévenir et contrer l’effet Trump

 Dans Nouvelles

David Castrillon

Directeur général – Projet Collectif en Inclusion à Montréal (PCEIM)

 

Henry Mitzberg a souligné que la reconnaissance du secteur pluriel (les organismes communautaires) est fondamentale pour assurer la continuité d’une société démocratique et durable. Ce principe est aussi affirmé par le gouvernement du Québec et par plusieurs de décideurs publics. Dans cette courte réflexion, nous creusons certaines caractéristiques de la reconnaissance et l’importance de reconnaître ce secteur.

 

Qu’est-ce la reconnaissance?

La reconnaissance est un besoin essentiel et implique de donner aux personnes et aux groupes humains une place significative au sein de la société. Les humains utilisent plusieurs stratégies plus ou moins efficaces pour obtenir une telle reconnaissance. Le manque de reconnaissance amène l’être humain à perdre son sentiment d’exister. Au niveau des groupes, lorsqu’ils ne participent pas à part entière à l’échange de biens  leur sentiment d’exister est mis en jeu.

 

Comment l’obtenir?

La place significative est offerte par le biais de biens matériels (ex. la nourriture) ou symboliques (ex. la connaissance) que les sociétés fournissent aux individus ou aux groupes, qu’ils peuvent ensuite échanger entre eux. Un manque d’accès à ces biens entraîne un manque de reconnaissance, donc un manque de réponse à un besoin fondamental. Un exemple qui peut aider à mieux véhiculer la portée et la valeur de la reconnaissance – et les biens matériels et symboliques que l’on utilise pour obtenir cette reconnaissance – est la situation actuelle de notre pays voisin.

 

Le phénomène Trump, ou le manque de reconnaissance

La réalité actuelle aux États-Unis est le résultat du manque de reconnaissance vécu par un important secteur de la société. Ce manque est lié à certaines valeurs sociales assez répandues et valorisées : la réussite individuelle, la distinction, la concurrence. Ce mélange entre le manque de reconnaissance et les valeurs individualistes proposées a rendu certains groupes très perméables aux idées d’exclusion et de méfiance, liées, par le biais d’un personnage, à l’illusion de grandeur. Ainsi, Donald Trump est donc un symptôme d’une réalité sociale. Il exploite une réalité de manque de reconnaissance et utilise des valeurs répandues dans la société.  Il est une fausse réponse au besoin essentiel de reconnaissance que plusieurs personnes cherchent. Il offre le langage d’exclusion et de succès individuel comme monnaie d’échange pour créer un sentiment d’existence.

 

Pour contrer le phénomène Trump : les amis intimes de la démocratie

Les ennemis de la démocratie se trouvent, maintenant, non pas en dehors mais bien à l’intérieur même de la démocratie. Le phénomène Trump, parmi d’autres, en est un exemple – ce que l’intellectuel Tzvetan Todorov nomme comme les ennemis intimes de la démocratie. Dans notre contexte québécois, on valorise de plus en plus des biens matériels et symboliques qui véhiculent un message semblable à celui qui a été fortement utilisé par notre voisin du sud pendant des années. Ces symboles sont des mesures économiques, des discours politiques, des investissements, des financements, incluant des valeurs qui ont donné naissance au phénomène Trump.

Cependant, il existe encore, quoique de plus en plus fragiles, des amis intimes de la démocratie au Québec. Ces amis véhiculent des messages d’autonomie, de participation, de solidarité, de confiance, de développement humain. Mais pour qu’ils existent et aient une place significative, il faut que leur reconnaissance passe autant par les mots que par les actes. Un financement digne de ces amis intimes de la démocratie, c’est-à-dire des organismes communautaires, est donc une façon puissante de contrer la vague mondiale de projets qui mettent en péril nos systèmes démocratiques. Le message doit donc être cohérent : en tant que société démocratique il faut appuyer, par les mots et les actes, les amis intimes de la démocratie. Il faut comprendre que la reconnaissance économique des personnes qui  travaillent au sein des organismes communautaires est un symbole puissant d’une démocratie vivante. Il n’est pas encore trop tard pour envoyer le message.

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