La reconnaissance du communautaire
David Castrillon – MSc en Gestion
Directeur général – Projet Collectif en Inclusion à Montréal (PCEIM)
Administrateur – Réseau alternatif et communautaire des organismes (RACOR) en santé mentale de l’île de Montréal
Administrateur – Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal
Président – Corporation de développement communautaire (CDC) de Rosemont
Révise par Justine Israël
LA RECONNAISSANCE DU COMMUNAUTAIRE: UN REMÈDE À LA FERMETURE AU DIALOGUE DÉMOCRATIQUE
Henry Mitzberg a souligné que la reconnaissance du secteur pluriel, tel que représenté au Québec par les organismes communautaires, est fondamentale pour assurer la continuité d’une société démocratique et durable. Ce principe est aussi affirmé par le gouvernement du Québec et par plusieurs décideurs publics. Dans cette courte réflexion, nous creusons certaines caractéristiques de la reconnaissance et l’importance d’une reconnaissance financière des organismes communautaires.
Qu’est-ce la reconnaissance?
La reconnaissance est un besoin essentiel et implique de donner aux personnes et aux groupes humains une place significative au sein de la société. Les humains utilisent plusieurs stratégies plus ou moins efficaces pour obtenir une telle reconnaissance. Le manque de reconnaissance amène l’être humain à perdre son sentiment d’exister. Au niveau des groupes, lorsqu’ils ne participent pas à part entière à l’échange de biens leur sentiment d’exister est mis en jeu.
Comment l’obtenir?
La place significative est offerte par le biais de biens matériels (ex. la nourriture) ou symboliques (ex. la connaissance) que les sociétés fournissent aux individus ou aux groupes, qu’ils peuvent ensuite échanger entre eux. Un manque d’accès à ces biens entraîne un manque de reconnaissance, donc un manque de réponse à un besoin fondamental. Un exemple qui peut aider à mieux véhiculer la portée et la valeur de la reconnaissance – et les biens matériels et symboliques que l’on utilise pour obtenir cette reconnaissance – est une tendance à la fermeture au dialogue.
Le manque de reconnaissance
Certains phénomènes sociaux actuels sont le résultat du manque de reconnaissance vécu par un important secteur de la société. Ce manque est lié à certaines valeurs sociales assez répandues et valorisées : la réussite individuelle, la distinction, la concurrence. Ce mélange entre le manque de reconnaissance et les valeurs individualistes proposées a rendu certains groupes très perméables aux idées d’exclusion et de méfiance. Ainsi, la fermeture au dialogue démocratique devient prévalente.
Certains discours véhiculés dans la sphère publique exploitent des situations de manque de reconnaissance et utilisent ces types de valeurs individualistes répandues dans la société. Ces discours sont une fausse réponse au besoin essentiel de reconnaissance que plusieurs personnes cherchent. Ils présentent le succès individuel et un langage d’exclusion comme monnaie d’échange pour créer un sentiment d’appartenance.
Les organismes communautaires : des amis intimes du dialogue démocratique
Les ennemis de la démocratie se trouvent, maintenant, non pas en dehors mais bien à l’intérieur même de la démocratie. Les phénomènes de radicalisation et la montée des extrémismes, parmi d’autres, en sont des exemples – ce que l’intellectuel Tzvetan Todorov nomme comme les ennemis intimes de la démocratie. Dans notre contexte québécois, on valorise de plus en plus des biens matériels et symboliques qui véhiculent le message de chacun pour soi. Ces symboles sont des mesures économiques, des discours politiques, des investissements, des financements ou du sous-financement.
Cependant, il existe encore des amis intimes de la démocratie au Québec. Ces amis véhiculent des messages d’autonomie, de participation, de solidarité, de confiance, de développement humain. Mais pour qu’ils existent et occupent une place significative, il faut que leur reconnaissance passe autant par les mots que par les actes. Un financement digne de ces amis intimes de la démocratie, c’est-à-dire des organismes communautaires, est donc une façon puissante de contrer la vague mondiale de projets qui mettent en péril nos systèmes démocratiques. Le message doit donc être cohérent : en tant que société démocratique il faut appuyer, par les mots et les actes, les amis intimes de la démocratie. Il faut comprendre que la reconnaissance économique des personnes qui travaillent au sein des organismes communautaires est un symbole puissant d’une démocratie vivante. Il n’est pas encore trop tard pour envoyer le message.

Le Projet collectif en inclusion (PCEIM) est un organisme soutenu par Centraide du Grand Montréal