Pour mieux se comprendre dans les espaces de concertation

 Dans Nouvelles

David CastrillonDirecteur général – Projet Collectif en Inclusion à Montréal (PCEIM)


Parmi les défis rencontrés dans les espaces de concertation, on trouve celui de la compréhension entre acteurs. Ils peuvent être des lieux d’échanges cordiaux sans mutuelle compréhension, et, en plus, sans en avoir conscience.  Au début, tout le monde semble parler la même langue, mais plus le temps passe, plus l’incompréhension prend la relève : on pensait dire la même chose, voir la même chose, mais on utilisait des lunettes complètement différentes.

Cette incompréhension peut découler souvent sur des accusations d’agir de mauvaise foi, de ne pas vouloir avancer, de prêter trop d’attention aux détails, ce qui peut amener au désengagement et à la fin de la participation. Les acteurs ne savent pas qu’ils portent des visions différentes. Souvent, l’injonction de passer rapidement à l’action ou d’éviter le conflit ne facilite pas la prise de conscience de ces différences.  

Points de départ différents

Dans le domaine de l’intervention sociale, il est possible de constater plusieurs approches d’intervention. Toutes ont en commun la volonté de changer des situations, mais ils diffèrent, des fois radicalement, sur les moyens utilisés, mais surtout sur la compréhension de ce qu’ils veulent changer. Ces approches vont être traduites par des individus, travailleurs des organisations porteuses de l’approche.

Il arrive que l’approche d’intervention, incarnée par l’organisation qui participe à un espace de concertation, ne fasse pas l’objet d’une critique à l’intérieur de son organisation. Ainsi, les personnes qui y travaillent, au lieu de voir l’approche comme étant UNE des façons de comprendre les situations, se voit comme porteuse de l’APROCHE, qui sera donc la seule façon de comprendre.

L’institutionnalisation d’une approche

Lorsqu’une approche s’institutionnalise, elle est perçue comme une évidence. Ainsi, pendant qu’une personne porteuse de l’approche institutionnalisée pense qu’elle est en train de décrire la réalité telle qu’elle est, une autre personne peut recevoir son message, non comme étant la réalité, mais plutôt comme étant la forme institutionnalisée de parler de ladite réalité.  

En plus, il y a des organisations dans le domaine de l’intervention sociale qui, par leur nature et leur mandat, auront une tendance à l’institutionnalisation, tandis que d’autres seront plus portées à incarner la critique de l’institutionnalisation.

Dans le contexte québécois, comme c’est le cas aussi de plusieurs sociétés d’Occident, les organisations du secteur public auront une tendance (d’ailleurs normale, en étant fortement régies par des normes) vers l’institutionnalisation. Cela n’exclut pas que la tension entre institutionnalisation et critique ne soit pas présente. Les personnes qui y travaillent, même si de par leurs rôles elles doivent porter l’approche, elles pourraient, en même temps, porter un regard critique. Cela dépend de leur degré d’institutionnalisation. Mais de manière générale, ces grandes organisations représentent cette dynamique.

Il faut apporter une nuance: il ne s’agit pas d’une réalité qui est seulement présente dans les organisations publiques. D’autres organisations, dont les organisations du secteur de l’action communautaire, peuvent aussi incarner des approches d’intervention sociale institutionnalisées. Elles n’ont pas eu l’occasion de prendre de la distance pour s’analyser (les actions, le langage, les idéologies).

Entre institutionnalisation et adaptation

Il est important ici de faire la distinction entre incarner l’approche institutionnalisée et s’adapter au contexte d’échange en utilisant le langage propre à l’approche institutionnalisée. Par exemple, dans un espace de concertation, il est courant que des acteurs non institutionnalisés utilisent un langage institutionnel (pourtant déconstruit par lui ou son organisation) pour être entendus.

D’où la pertinence de se questionner sur la façon de communiquer avec les acteurs porteurs des approches institutionnalisées, pour être entendus et être compris.

Pour des actions efficaces

Se questionner ensemble sur les différents niveaux d’institutionnalisation est un pas intéressant lorsqu’il s’agit de partager des espaces de dialogue, d’échange, de concertation entre personnes qui travaillent dans l’intervention sociale (directe ou indirectement).

Cela permettra d’aborder la question sur l’incompréhension et les contradictions dans les visions et les approches qui sont présentes, au lieu de vouloir, toute de suite, trouver les « points communs » et agir. Possiblement on n’arriverait pas à avoir un langage commun, mais on pourrait augmenter la compréhension commune des situations sur lesquelles on aimerait agir. Premier pas pour une action efficace.


Le Projet collectif en inclusion (PCEIM) est un organisme soutenu par Centraide du Grand Montréal

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