L’intervenant au PCEIM : interpréter pour inclure

 Dans Nouvelles

David Castrillon – MSc en Gestion

Directeur général – Projet Collectif en Inclusion à Montréal (PCEIM)

Président – Réseau alternatif et communautaire des organismes (RACOR) en santé mentale de l’île de Montréal

Révisé par Justine Israël


L’intervenant au PCEIM : interpréter pour inclure

En tant qu’organisme qui crée des espaces d’interaction inclusifs, il nous semble important de préciser le rôle joué par les intervenants dans ces espaces. La compréhension de ce rôle nécessite d’abord de définir ce qu’est un espace d’interaction inclusif.

Un espace d’interaction[1] fait référence, dans notre conception, à deux ou plusieurs personnes qui partagent un espace physique ou virtuel et qui, par différents moyens, réagissent à la présence des autres. Notre hypothèse est qu’il y a toujours des réactions mutuelles lorsque deux ou plusieurs personnes perçoivent le fait que d’autres personnes les ont perçues : prendre conscience du regard de l’autre sur soi-même déclenche une multitude de réactions plus ou moins visibles. Ces réactions, selon notre hypothèse, sont spécifiques aux humains en raison de leur nature ultra sociale[2].

L’aspect inclusif, dans notre approche, implique la reconnaissance des autres comme étant des êtres humains à part entière, qui jouissent d’une autonomie relative et qui ne sont pas des objets à instrumentaliser pour répondre à nos buts. L’inclusion implique une acceptation explicite d’une mutuelle influence entre humains, mais aussi une adaptation et une participation active des personnes dans leurs échanges.

Ainsi, pour résumer, un espace d’interaction inclusif[3] est un lieu de relation où les personnes impliquées réagissent les unes aux autres par des moyens de reconnaissance leur permettant une adaptation et une participation active à la réalité. Cette brève explication nous aide à partager notre compréhension du rôle de l’intervenant au sein de nos projets collectifs.

L’interprétation, principal outil de l’intervenant

Dans la pratique, ce que les intervenants donnent, ce n’est pas une solution aux problèmes qui peuvent émerger dans ces espaces d’interaction, mais plutôt des possibilités de compréhension. Cette compréhension se fait à partir de leurs interprétations qui aident à décortiquer les anxiétés relationnelles qui existent au sein d’un espace d’interaction (qui peux prendre la forme d’un groupe ou d’une relation de jumelage), afin d’accomplir les tâches que le groupe s’est donné. La principale action des intervenants afin de répondre à la mission d’inclusion est donc l’interprétation.

Les interprétations sont le résultat d’une interaction complexe, à même l’intervenant, entre plusieurs éléments. En voici quelques-uns :

  • l’expérience personnelle – les relations, les groupes et les organisations internalisés par l’intervenant;
  • l’historique des relations au sein du groupe (ou de la relation, dans le cas d’un jumelage);
  • la compréhension de facteurs organisationnels et institutionnels qui traversent le groupe;
  • la situation d’interaction présente (le ici et le maintenant);
  • les émotions partagées;
  • les concepts et les représentations partagées au sein de l’organisme;
  • leur propre conscience de la présence de ces éléments et, paradoxalement, de l’impossibilité d’en être complètement conscient.

Tout ces éléments s’entrecroisent sur une trame de fond, soit le besoin essentiel de l’intervenant (et de tous) de se sentir reconnu, et font émerger des interprétations. L’intervenant doit se servir de ses interprétations pour collaborer avec le groupe dans l’accomplissement des tâches. Ainsi, cette approche en intervention se différencie d’autres parce qu’on ne cherche pas la vérité dans l’interprétation ou encore la résolution des problèmes individuels comme but ultime, on cherche plutôt à ce que ces interprétations facilitent l’adaptation et la participation active des personnes, afin d’être efficaces dans le processus d’accomplissement de la tâche groupale.  La tâche du groupe est donc l’élément structurant.  Elle peut être, par exemple, l’apprentissage d’un sujet, la conception d’un produit culturel pour la communauté, la réalisation d’une activité pour les autres, etc. Pour le PCEIM, la tâche du groupe, l’interprétation de l’intervenant sur les obstacles relationnels pour la réaliser, et la conscience de nouvelle dynamique créée à partir de ces interprétations sont des outils essentiels pour l’inclusion sociale des personnes.

Le partage et la discussion sur des concepts au sein de l’organisme sont donc des échanges essentiels afin d’élaborer des interprétations qui tiennent compte d’une approche réflexive. En résumé, les interprétations élaborées, partagées et mises à l’épreuve par l’intervenant sont des outils clés dont se sert l’organisme afin de créer des groupes qui accomplissent efficacement leurs tâches tout en tenant compte de l’adaptation et la participation active des participants à la réalité.


[1] Ce concept développé au sein de l’approche interactionniste, notamment E. Goffman, est approfondi par L. Mondada. (Nous nous permettons de continuer la réflexion sur ce concept en relation avec notre approche).

[2] Voir, par exemple,  Thomasello, M (2014). The ultra-social animal. European Journal of Social Psychologie, 44 187-194

[3] Espace relationnel inclusif et espace d’interaction inclusif sont des concepts-clés développées par le Projet collectif en inclusion à Montréal (PCEIM) dans notre cadre de référence conceptuel-opérationnel. Les notions sont issues des réflexions et projets de l’organisme.


Le Projet collectif en inclusion (PCEIM) est un organisme soutenu par Centraide du Grand Montréal


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