Être alternatif en santé mentale

 Dans Nouvelles

David Castrillon

Directeur général – Projet Collectif en Inclusion à Montréal (PCEIM)

 

La conception et les pratiques en santé mentale peuvent se diviser en plusieurs courants. Le courant dit alternatif implique forcément qu’il existe un courant normalisé, institutionnalisé, hégémonique, composé de pratiques, d’idées, et de concepts – une idéologie – les plus courants pour expliquer une réalité.

Parler de l’alternatif, c’est donc dire qu’il existe cette autre façon de concevoir la réalité et les pratiques, qui ne correspond pas à la vision hégémonique. Créer une telle division entre organisations alternatives et non-alternatives, c’est tomber dans un manichéisme qui ignore la complexité de la réalité. Il serait plus juste de dire qu’il existe des organisations ayant une tendance plus forte vers des approches alternatives que d’autres.

Même dans ce qui est catégorisé d’alternatif, il peut y avoir plusieurs sous-courants. On veut mettre l’accent ici sur deux façons générales d’être alternatif et les distinguer afin de bâtir un dialogue sur une pluralité de visions de la santé mentale.

 

L’alternatif quant à “l’être”

Il existe des approches qui se positionnent dans un courant alternatif par rapport à l’être. Plus précisément, cela veut dire que ces approches sont alternatives aux conceptions existantes sur les phénomènes liés aux comportements humains. Ainsi, lorsqu’on parle de santé mentale, une approche alternative quant à l’être, par exemple, mettra en cause le terme même de « santé mentale » et le fait d’utiliser le biais de la santé pour désigner et expliquer certains comportements humains.

Ces approches, tout en reconnaissant l’existence d’une réalité liée au comportement des humains, s’interrogent sur la légitimité, la précision et la possibilité de compréhension qu’une conception liée à la santé apporte. Cette façon d’être alternatif implique une remise en question de l’idéologie hégémonique afin d’imaginer d’autres chemins, d’autres façons de nommer la réalité, d’autres méthodologies de recherche, d’autres idées sur l’humain et, bien entendu, d’autres pratiques.

 

L’alternatif quant au “devoir être”

Il existe aussi des approches qui remettent en question les valeurs, les pratiques et les actions propres à l’idéologie dominante.  Cette façon d’être alternatif n’a pas pour mandat de questionner le concept de maladie mentale ou de santé mentale (des présupposés acceptés), mais plutôt de proposer de mesures différentes ou accrues pour répondre à la  problématique.  Ainsi, on questionne ici le devoir être sans nécessairement remettre en question l’être, c’est-à-dire que tout en désignant un phénomène comme étant un enjeu de santé mentale ou une maladie mentale, en employant la terminologie du courant hégémonique et en acceptant comme valide tout l’appareil conceptuel déployé pour aborder ledit phénomène, une organisation dite alternative peut proposer des actions autres que celles offertes par les institutions véhiculant le courant dominant.

 

En résumé, on peut être alternatif au niveau de valeurs et pratiques, ou bien au niveau des valeurs, des pratiques ET de la façon de nommer et concevoir une réalité. Discuter sur ces deux façons d’être alternatif peut devenir un pas vers l’enrichissement des pratiques dans les organisations traitant d’enjeux d’exclusion, de développement relationnel, d’adaptation active à la réalité,  de comportement, ou, pour employer la terminologie du courant hégémonique, de santé mentale.

 

David Castrillon est directeur général du Projet Collectif en Inclusion à Montréal et président du conseil d’administration du RACOR en santé mentale.

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