Au-delà de la santé mentale

 Dans Nouvelles

David CastrillonDirecteur général – Projet Collectif en Inclusion à Montréal (PCEIM)


La pluralité des manifestations de l’existence humaine est souvent traitée, abordée, façonnée, à nos jours, avec les lunettes de la santé mentale. On pourrait parler de l’« appareil de la santé mentale » (d’autres vont parler du dispositif).

Cet appareil, constitué d’un langage, de politiques, d’institutions, de procédures, serait une échappatoire pour éviter d’appréhender la complexité de la condition humaine. Il proposerait une vision simpliste, voire déformée, de la manière de coexister. Il mobiliserait un ensemble de connaissances désincarnées, non vivantes et aussi une vision naïve, parfois perverse, du « vivre ensemble ». Cette notion servirait souvent à occulter les problèmes des espaces d’existence que nous mettons en place.

Ces affirmations peuvent créer un soulagement pour plusieurs qui naviguent dans l’appareil de la santé mentale, mais aussi créer des appréhensions pour d’autres. Mais on trouve pertinent d’aborder le sujet.

Ainsi, la question de savoir pourquoi cela camouflerait les enjeux humains et empêcherait une appréhension plus approfondie de nos expériences mérite une réponse détaillée, réponse que plusieurs ont déjà partagée. On va exposer quelques idées, pourtant déjà connues, dans cet espace restreint.

Plutôt que de faciliter la compréhension des liens interdépendants, l’appareil de la santé mentale semble les dissimuler. Au lieu de concevoir l’être humain comme un processus fait et refait d’interactions avec autrui et son environnement, il favorise l’idée d’un « moi » indépendant des « autres ». Il ne nous permet pas de nommer et de bien comprendre notre dépendance aux espaces dans lesquels nous interagissons, à l’environnement social et physique que nous habitons et qui nous habite.

À titre d’exemple, l’appareil de la santé mentale, par le biais d’un diagnostic, tend à isoler la détresse exprimée par une personne du manque de possibilités, au sein de sa communauté, pour se loger ou se nourrir. De même, il disjoint l’angoisse exprimée par un jeune des dommages infligés à la planète du fait de notre mode de vie. Les comportements d’un enfant sont dissociés des discours ambivalents concernant la liberté, l’obéissance, le contrôle et la performance qui l’entourent. L’anxiété ressentie par une personne est séparée des dynamiques de domination masculine auxquelles elle peut être exposée dans son milieu professionnel. En somme, cet appareil tend à séparer la manifestation de la détresse humaine des violences qui découlent d’un système politique, économique et social. Plus fondamentalement, il renforce l’illusion selon laquelle les individus sont des entités isolées.

L’appareil de la « santé mentale » jouerait donc un rôle dans le détournement des changements nécessaires à opérer dans les sphères familiale, professionnelle, politique, économique, communautaire, et plus généralement dans notre manière de cohabiter. Ne pourrait-on pas considérer que la « santé mentale » (tout comme la maladie mentale) est un outil qui limite fondamentalement notre apprentissage collectif en plus de compliquer la mise en œuvre de transformations fondamentales au sein du système socio-économique ?

 


Le Projet collectif en inclusion (PCEIM) est un organisme soutenu par Centraide du Grand Montréal

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