Le développement social : une idée, trois utilisations différentes

 Dans Nouvelles

David Castrillon – MSc en Gestion

Directeur général – Projet Collectif en Inclusion à Montréal (PCEIM)

Président – Réseau alternatif et communautaire des organismes (RACOR) en santé mentale de l’île de Montréal

Révise par Justine Israël


Le développement social : une idée, trois utilisations différentes

Le concept de « développement social » peut être employé par différents acteurs sociaux afin d’expliquer un ensemble de moyens sociaux, mais peut aussi être utilisé comme outil rhétorique afin de légitimer leur action auprès des autres acteurs. Souvent, les deux emplois sont véhiculés par un même acteur, mais la signification peut également changer selon le contexte et l’acteur. Mais dans tous les cas, le concept exprime une valeur positive, et le concept est largement  associé par le public directement à une idée du bien.

Afin d’avancer dans la mise en œuvre des actions liées au développement social, il me semble qu’il est important de se questionner sur les significations possibles du concept même de développement social,  selon l’acteur qui l’utilise et le contexte dans lequel cela se fait. J’aimerais en partager trois, tout en sachant qu’il y en a plusieurs, qu’elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et que, des fois, ces significations peuvent s’entremêler.

Les moyens et la finalité du développement social

Toutes les significations possibles du développement social impliquent un intérêt de mieux répondre aux besoins humains. Les enjeux se retrouvent donc dans la nature des moyens développés pour y répondre, ainsi que dans la définition de ce à quoi l’on fait référence lorsqu’on parle des besoins humains. Pour comprendre les différentes significations du développement social, j’aimerais présenter trois visions différentes, comportant chacune une compréhension particulière des rapports humains.

1. Développement social : ASSISTANCE

On peut parler de développement social en faisant référence à une stratégie d’action où les personnes ciblées sont observées comme étant passives dans la démarche pour répondre à leurs propres besoins. La conception de la stratégie part de l’idée d’un concepteur ou d’un leader (qui peut être une organisation) qui a le mandat de penser et de mettre en place les actions concrètes. En termes de participation, la population ciblée est normalement informée du programme ou du projet qui va se mettre en œuvre. Cette stratégie met les personnes dans une position de récepteur, tandis que les autres sont de donneurs. Les rôles sont ainsi fixés d’avance, avant même que des interactions aient lieu. En termes de changements, il s’agit normalement d’un projet qui n’agit pas sur la structure ou le système qui a donné lieu aux problèmes. L’apprentissage obtenu est limité à un niveau surtout opérationnel.

Quand cette stratégie est explicitement assumée par les acteurs de développement, on peut retrouver certains termes associés à cette démarche afin de la rendre légitime aux yeux du public : relation d’aide, parrainage, patient, pensée stratégique, leader, résultats concrets, pragmatisme, efficacité, personne vulnérable.

2. Développement social : PARITARISME

Ce moyen implique l’élaboration d’actions où les personnes ciblées sont considérées comme des pairs dont la parole doit être prise en considération afin d’alimenter la stratégie. Les personnes envers qui le programme ou projet est dirigé participent autant au niveau d’information (comme dans la stratégie d’assistance) qu’au niveau d’opinion. Le programme ou projet, tout en étant sous le contrôle d’une des parties, permet à l’autre partie de se prononcer sans nécessairement que leurs paroles déterminent le projet. On pourrait parler des personnes ciblées comme partenaires, qui se trouvent ailleurs, et à qui on permet de jouer un rôle plus actif que dans la stratégie d’assistance. En termes d’apprentissage, elles seront capables de nommer leur place dans le projet sans toutefois changer le système dans lequel le projet opère. L’acteur porteur de la stratégie facilite la mise en place d’espaces où les autres acteurs peuvent nommer certains de leurs besoins afin de créer des réponses.

Lorsqu’un acteur assume explicitement cette stratégie, il est possible de retrouver certains termes dans le discours : partenaire, consultation, collaborateur, accords, convocation, échanges, intégration.

3. Développement social : PROJET COMMUNAUTAIRE

Ce moyen implique de passer d’une conception de l’autre comme celui à assister ou à consulter, à celui avec qui décider. L’autre n’est pas seulement un pair ou un partenaire, l’autre se transforme en nous. Les personnes se voient comme faisant partie de la communauté humaine, ayant donc les mêmes besoins. Tout en misant sur l’autonomie des personnes, il y a une compréhension de l’interdépendance entre acteurs dans la création de réponses aux besoins. Ceux qui se trouvent dans des contextes où les réponses aux besoins sont inadéquates partagent ainsi une connaissance avec ceux dont les contextes de vie ont permis de trouver des réponses actives à leurs besoins et vice-versa, afin de créer ensemble des espaces favorisant l’apprentissage commun.

On arrive ainsi à la concertation, c’est-à-dire à une participation dans la décision sur les moyens et les fins (ayant comme condition préalable la participation en information et en opinion). On dépasse les espaces d’échange pour créer des espaces de dialogue et de conversation, où la confiance et la proximité sont le terrain propice à la création.

Certains termes communément employés en faisant référence à cette vision : concertation, dialogue, décisions partagées, fonctionnement démocratique, autonomie, participation, co-création, inclusion.

Les mots et les actions

On peut développer plus en détail chaque une des visions du développement, par exemple approfondir sur la signification de « besoins humains ». Cependant, pour finir cette réflexion, j’aimerais  attirer l’attention sur les mots. J’ai voulu souligner certains mots clés associés à chaque stratégie, cependant, vu que les mots ont le pouvoir de montrer comme de cacher la réalité (en plus de la recréer), il faudrait observer les processus mis en place, les actions réalisées et leur concordance avec les mots utilisés, avant de donner une appréciation sur le type de stratégie utilisé par un acteur. Il sera toujours possible de mêler tous les mots et, avec cette stratégie,  les gens afin de faire passer ce qu’on pense être le « bien ».


Le Projet collectif en inclusion (PCEIM) est un organisme soutenu par Centraide du Grand Montréal

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