Pour la création d’un système d’espaces d’interaction inclusifs

 Dans Nouvelles

David Castrillon – MSc. en Gestion d’innovations sociales

Directeur général – Projet Collectif en Inclusion à Montréal (PCEIM)


L’espace d’interaction inclusif (PCEIM, 2019) est un outil conçu pour promouvoir le bien-être partagé des personnes. Cet outil conceptuel et pratique permet aux acteurs sociaux (organisations publiques, communautaires, privées, académiques, etc.) de mobiliser l’idée d’inclusion en tenant compte de la nature sociale des êtres humains et de son ancrage dans l’espace et le temps.

Il faut comprendre l’espace d’interaction inclusif comme un « comment » plutôt qu’un « quoi ». Il ne s’agit pas simplement d’objets ou de lieux, bien que ceux-ci soient pris en compte, mais plutôt des interactions entre les êtres humains. Par exemple, ce n’est pas une question de savoir combien de chaises sont installées dans un lieu, mais de se questionner sur le sens et l’objectif de cette disposition pour répondre à plusieurs besoins humains simultanément.

L’espace d’interaction inclusif, issu de la recherche et de la pratique communautaire, offre une façon d’observer et d’agir sur la réalité. Il constitue une réponse possible lorsqu’on cherche à comprendre l’inclusion (et l’exclusion) entre êtres humains et lorsqu’on vise la transformation des environnements sociaux.

Une brève définition

L’espace d’interaction inclusif est un ensemble de moyens disponibles dans un moment et un lieu facilitant le déploiement de réponses actives aux besoins humains d’identité, de participation et de compréhension. Il facilite la mise en place de moyens de reconnaissance permettant aux participants d’occuper une place significative. Cet outil inclut :

  1. Une perspective sur les besoins humains[1] cohérente avec la complexité humaine;
  2. L’approfondissement de la conception des besoins humains fondamentaux d’identité, de compréhension et de participation.
  3. Le développement des moyens pour y répondre.

Deux défis

Deux défis initiaux liés à la création et à l’analyse d’un espace d’interaction inclusif sont à souligner :

  • Les espaces d’interaction qui l’entourent : En plus des défis internes concernant les moyens à mettre en place pour répondre aux besoins nommés, créer un espace d’interaction inclusif implique de questionner le système dans lequel il s’installe : l’organisation dans laquelle il se déploie, la communauté dans laquelle il est ancré, et d’autres espaces d’interaction et organisations. Il y a un effort à faire pour créer d’autres espaces d’interaction inclusifs. L’existence et le renforcement d’un espace d’interaction inclusif dépendent de son interaction avec d’autres espaces inclusifs.
  • Expliciter ce qu’il exclut : Créer un espace d’interaction inclusif implique de reconnaître la tension entre inclusion et exclusion. Il faut être conscient que cet espace n’est pas la réponse ultime au besoin fondamental d’avoir une place. Il existe toujours une part d’exclusion, parfois latente. Un espace d’interaction inclusif, sensible au besoin de compréhension, permet aux personnes de se questionner et de discuter des exclusions possibles. Ces exclusions peuvent être de nature opérationnelle (nombre de personnes admises), conceptuelle (type de sujet abordé), temporelle (plage horaire), physique (taille de l’espace), comportementales (certains comportements sont exclus), etc. Parler des éléments d’exclusion doit servir à créer des ponts de collaboration avec d’autres espaces et à aider à la création de nouveaux espaces prenant en compte les exclusions identifiées.

Créer un système d’espaces d’interaction inclusifs nécessite de reconnaître l’universalité de notre humanité commune et la diversité des façons de l’incarner. Cela demande un effort constant de partage et de concertation entre les acteurs sociaux. Il faut également comprendre que nous vivons dans une société qui valorise une vision individualiste de nous-mêmes, alimentant une illusion d’indépendance qui nuit à notre bien-être. Nous sommes faits d’interactions, et notre milieu d’existence est constitué d’espaces d’interaction. Le défi est de rendre ces espaces inclusifs.


[1] On mobilise le modèle complexe de besoins humains développé par Manfred Max-Neef. On vous invite à vous référer à cet article de notre blogue ici

Pour ceux qui veulent approfondir sur des fondements conceptuels du modèle d’espace d’interaction inclusif, on vous partage quelques références bibliographiques :

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Le Projet collectif en inclusion (PCEIM) est un organisme soutenu par Centraide du Grand Montréal

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