La distance sociale au temps de la COVID-19
David Castrillon – MSc en Gestion
Directeur général – Projet Collectif en Inclusion à Montréal (PCEIM)
Président – Réseau alternatif et communautaire des organismes (RACOR) en santé mentale de l’île de Montréal
Révise par Justine Israël
La distance sociale au temps de la COVID-19
On entend parler, de plus en plus, du besoin de limiter la vitesse de propagation de la COVID-19. Une des stratégies qui gagne en popularité afin de ralentir la propagation et d’ainsi permettre au système de santé de mieux répondre aux cas les plus difficiles est l’idée de la distanciation sociale (social distancing). On aimerait nuancer cette idée qui fait le tour des médias, et la décortiquer : la distance sociale solidaire versus la distance sociale stigmatisante.
DISTANCE SOCIALE SOLIDAIRE
La distance sociale solidaire peut être comprise comme un souci des conséquences que les autres peuvent vivre à cause de nous, dans ce cas-ci, à cause de la possibilité qu’on devienne un vecteur de transmission du virus. Paradoxalement, cette idée implique une forte cohésion sociale afin que tous et toutes partagent ce souci, c’est-à-dire qu’il existe une compréhension de l’interdépendance des uns et des autres, ainsi qu’un sentiment de devoir envers les autres. Cela implique aussi d’avoir un souci d’accompagner les personnes pour qui la pratique de la distance sociale est plus difficile. Cette distance est plus facile à vivre lorsque les conditions sociales sont propices. Par exemple, ces soucis peuvent être plus présent dans un état avec des politiques et messages plus solidaires que dans un état avec des politiques et messages plus individualistes. Par exemple, il y a plus de possibilités qu’un travailleur avec une banque de journées de congé maladie adéquate puisse mettre en place de mesures de distance sociale : il a la possibilité de le faire, et il est plus probable que ce type de contexte de travail favorise le sens de solidarité. Cette compréhension de la distance sociale comme acte solidaire est un indicateur d’esprit collectif.
DISTANCE SOCIALE STIGMATISANTE
Une autre compréhension de la distance sociale en est une de stigmatisation : il ne s’agit pas d’un souci de l’impact que l’on peut avoir sur les autres, mais plutôt d’une conception individualiste de la vie commune. Dans ce cas, plutôt que de s’inclure soi-même comme faisant partie du problème/de la solution, la personne s’exclut et les autres deviennent des objets de méfiance. Une société qui met en place des mesures plus individualistes (moi, mon groupe, les miens) aura tendance à favoriser une distance sociale stigmatisante. Une société qui véhicule des politiques et des messages de « chacun pour soi » aura plus de difficulté à mobiliser une distance sociale solidaire. Un travailleur sans possibilité de prendre des journées de congé maladie aura plus de difficulté à vivre cette solidarité, même s’il a un sentiment de devoir le faire. Le défi, dans ce cas, reste à limiter ce type de distance sociale stigmatisante, parce qu’elle nous fera nous sentir plus seuls.
La situation actuelle engendre des possibilités d’apprentissage et de créativité commune. Se distancier peut donc être un signe de solidarité, ainsi qu’une façon de favoriser notre sens collectif et de conserver nos liens sociaux. La distance sociale solidaire est donc, paradoxalement, une façon de se sentir plus proches les uns des autres en ce moment.

Le Projet collectif en inclusion (PCEIM) est un organisme soutenu par Centraide du Grand Montréal